Constatez-vous une évolution des cas à Lenval?
Il n’y a pas d’augmentation. Mais cela ne diminue pas. Ce n’est pas quelque chose de très fréquent: nous recensons deux à quatre cas par an.
Quand on parle de bébé secoué, que cela signifie-t-il?
On parle de traumatismes infligés, ce sont surtout les petits entre trois et douze mois qui sont touchés. Leur rapport tête-corps est important. Chez les nourrissons, le volume de la tête représente un tiers du corps en termes de poids: chez l’adulte 1/5. Souvent, c’est un comportement violent – en général de l’adulte – qui va faire suite à des pleurs incessants du bébé. En le prenant sous les bras et le secouant d’avant en arrière, la tête du bébé bascule – il n’a pas la musculature pour la maintenir – et son cerveau va taper dans sa boîte crânienne. Ce qui conduit à une hémorragie.
Quelles sont les conséquences?
Elles sont lourdes: des lésions cérébrales importantes avec une partie des enfants qui vont en mourir et d’autres qui vont garder des séquelles très sévères.
Comment repérez-vous ces cas?
On a affaire à une appration brutale de troubles neurologiques inexpliqués: convulsions, vomissements… Après scanner et IRM, des recherches sont effectuées pour des cas rares de maladies métaboliques. Depuis la loi de 2007, en cas de suspicion, nous sommes dans l’obligation de réaliser un signalement auprès du Procureur de la République. Le secret médical est levé.
Ce qui ne place pas l’équipe médicale dans une position confortable, on l’imagine.
Une enquête est effectuée et il est possible que la garde du bébé soit confiée à l’hôpital. Le corps médical n’est pas la justice, nous ne sommes pas là pour désigner un coupable. Notre rôle est de repérer la situation et protéger le bébé. Nous ne sommes pas des accusateurs. D’autant que l’adulte en cause peut être un tiers, ce n’est pas forcément le parent. Mais on se doit de prendre des mesures de protection. En tenant ce discours, 99% des familles le comprennent. Elles ont également un accompagnement psychologique. C’est un vrai drame.
Quid de la remise en cause du diagnostic?
La grande polémique se tient ici, des avocats les contestent en justice. La communauté scientifique est cohérente au sujet des diagnostics réalisés.
Il n’y a pas de profils types, tous les foyers peuvent être concernés?
Absolument.
Quel rôle pour la prévention?
À nous, professionnels, de travailler avec les familles autour des pleurs des nourrissons. Il faut bien expliquer aux parents le risque de ce secouement qui est réalisé lorsque l’adulte est à bout de nerfs. Il ne faut pas hésiter à prendre conseil si l’on se sent démuni. Il faut savoir qu’un nourrisson de trois mois pleure trois à quatre heures par jour. Ce pleur est fait pour générer de l’émotion. Il faut apprendre aux parents à reconnaître le type de pleurs qui est le seul moyen d’expression de l’enfant.
Qu’on se le dise: les nouveau-nés ne font pas de caprices?
Non, c’est très binaire. Quand tout va bien, c’est le calme et, quand quelque chose ne va pas, ils le font savoir. Ce qui est extraordinaire c’est la fusion entre le bébé et sa maman. On le voit lorsque des mères sont très angoissées, à la suite d’une grossesse compliquée par exemple. Il y a des bébés qui vont beaucoup pleurer pour dire à leur mère: je suis bien vivant, tout va bien. Quand celle-ci comprend le message, ces pleurs se calment, le message est passé.
En bref: le bébé a des choses à dire.
C’est une vraie éponge, il va ressentir ce que ressentent ses parents.
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